Confrontation du film

Paris, Texas

- Wim Wenders -

à la

Critique de la faculté de juger

- Emmanuel Kant -

 


Cette étude tentera de montrer les rapports entre l'äuvre cinématographique de Wenders Paris, Texas et Critique de la Faculté de Juger d'Emmanuel Kant ; cela dans une optique esthétique.
 
Critique de la Faculté de Juger : 1790
Paris, Texas : 1984
Passages de Critique de la Faculté de Juger mis en rapport avec Paris, Texas :
Première section ; analytique de la faculté de juger esthétique
- De la communicabilité d'une sensation
- L'Idée esthétique
- L'Art en général
- L'intérêt intellectuel concernant le Beau
 
Paris, Texas est un film devant être abordé avec une sensibilité et un sens esthétique particuliers. Wenders transforme en images cinématographiques ce qu'il y a de plus fuyant dans notre perception de l'âme humaine, en la mettant à nu dans une simplicité efficace et surtout poignante. L'implication intellectuelle du corps spectatoriel devient vite très grande car celui-ci pénètre dans le récit par l'image : le point de vue organisant le champ perceptif n'instaure pas de barrières psychologiques chez le spectateur, autrement dit, nous avons à faire à des plans simples et humains dans leur bienveillance, nous mettant dans un rapport de contemplation dramatique des personnages. C'est ce rapport qui est intéressant à analyser d'un point de vue esthétique kantien, dans le contenu sémantique des plans mais aussi dans leur narration formelle et visuelle.
Dans trois chapitres de Critique de la Faculté de Juger, Kant traite de la raison humaine - celle qui est notre faculté de connaître les choses de l'expérience -, et de la sensibilité - d'où naît notre faculté esthétique. L'auteur y étudie ainsi notre perception de l'art.
 
Paris, Texas est donc un film de sensations. Wenders cherche à susciter chez le spectateur de la pitié, qu'il éprouverait envers les personnages. La sensation deviendrait le réel de la perception. Dans § 39 "De la communicabilité d'une sensation", Kant affirme que nous ne pouvons ressentir une sensation que parce que nous savons ; nous comprenons intuitivement et de manière passive que tel ou tel élément en présence est susceptible de nous affecter : tenons pour preuve l'une des premières séquences du film, lorsque Travis et son frère se retrouvent. Nous le pensons muet jusqu'à ce que son frère - dans un dialogue informatif - lui demande pourquoi il ne parle plus, quelle est la raison de son mutisme. Dès lors, notre émotion est accrue par le fait que nous savons Travis capable de parler, mais celui-ci s'y refuse. La tristesse et l'incompréhension de son frère deviennent ainsi notre. Nous savons, donc nous sommes à même de souffrir. La communicabilité de ces sensations se fait par l'image : de nombreux plans rapprochés, gros-plans sur les deux visages traduisent une souffrance des deux hommes.