Étude de la scoptophilie ; moyen d'aborder et de pénétrer
l'espace intime, à travers l'analyse du film


Peeping Tom

- Michael Powell -



 
Avec :
Karl Bohem (Mark Lewis)
Moira Shearer (Vivian)
Anna Massey (Helen)
 
Scénario : Leo Marks
Photo : Otto Heller
Décors : Arthur Lawson
Musique : Brian Earsdale
Montage : Noreen Ackland
Réalisé par Michael Powell
1959, Grande-Bretagne
Couleur, 1h49

Année de production : 1959
 
Introduction
La scoptophilie se définit, selon M. Powell, réalisateur de Peeping Tom (Le Voyeur), comme un besoin morbide de regarder la peur d'autrui. C'est le thème récurrent du film qui, par la nature de son scénario et de sa mise en scène, parvient à composer une mise en abîme réflexive sur le cinéma. Un jeune caméraman (Mark Lewis), passe son temps à filmer les femmes qu'il désire, puis les assassine avec le pied de sa caméra en filmant leur agonie, leur présentant un miroir convexe pendant leurs derniers instants. Il se projette ensuite leur mise à mort sur un écran. C'est pour lui le moyen d'obtenir des images dans lesquelles le sentiment d'horreur prédomine, où la victime voit son visage déformé par la double peur qui l'assaille : la confrontation à la mort entraînant une modification du faciès, et, faciès qui déformé par un miroir, va effrayer la victime elle-même.
Ce film se veut une réflexion sur le statut du spectateur, son positionnement dans des scènes où le parti pris narratif et cinématographique n'est plus présent ; des scènes dans lesquelles le spectateur va se retrouver en voyeur impuissant, face à une intimité qui nous est présentée comme nécessaire entre un meurtrier et sa victime, mais qui est violée par le film, par la présence de la caméra.
Dans tous les cas, cette recherche se situe sur un plan diégétique, et emprunte les bases de l'analyse filmique pour développer une réflexion sur l'intimité dans le récit cinématographique.
 
Cette étude abordera les points suivants :


La forme du film amateur ; un filtre de perception visuelle.
La psychologie scoptophile et voyeuriste à travers le personnage de Mark.
Étude du positionnement de la caméra dans plusieurs scènes : le spectateur devient voyeur à son tour.
Le champ visuel dépassé par la dimension sonore : une autre forme de pénétrer l'espace intime et privé.

 
La forme du film amateur ; un filtre de perception visuelle.
Peeping Tom adopte deux styles de filmage distincts. Le filmage classique, dans lequel la caméra est dans "l'autre champ", et le filmage subjectif. Dans ce second cas, la mise en images adopte le parti pris de nous montrer ce que voit Mark - personnage principal - à travers l'œilleton de sa caméra super 8. C'est à cette démarche esthétique que nous nousintéresserons dans cette partie ; le point de vue narratif subjectif à travers le filtre formalisé du viseur de la caméra.
Le point de vue est donc un filtre de perception visuelle, un "goulot d'informations", pour reprendre la terminologie de G. Genette. Tout n'est pas vu, il s'agit ainsi de limiter les informations visuelles parvenant au spectateur, pour ainsi conditionner sa lecture du récit filmique. Le point de vue distribue par là l'information narrative.
Le filtre du viseur de la caméra adoptant le point de vue subjectif de Mark est un moyen d'authentifier l'action. Ce qui est vu est identique à ce qui est fait, et est donc en parfaite adéquation avec la réalité diégétique. Se déclenche ainsi chez le spectateur un phénomène de croyance quasi-immédiat. Ce procédé est utilisé dès le début du film, lorsque Mark filme le meurtre qu'il commet. La lecture faite par le spectateur est composée dès lors sur le mode du "je", la mise en scène lui impose une lecture qui n'est absolument pas neutre, ce qui lui est donné à voir est ce que voit immédiatement le meurtrier. Paradoxe : ce type de vision subjective s'emploie d'habitude pour créer plus ou moins une identification chez lespectateur, depuis un point de vue auquel il a pu se familiariser depuis le début du film ; cet affect prend plus ou moins d'importance selon le statut du personnage dans le récit. Or, Peeping Tom utilise le procédé de la caméra subjective rendant compte de la vison qu'a un personnage à travers une caméra pour nous narrer une action à laquelle nous n'avons pas été préparés, par un personnage qui ne nous a pas encore été présenté. De plus, de par la nature même de cette action, naît un sentiment de malaise immédiat car nous sommes amenés à suivre (et à incarner) l'auteur d'une action repoussante et ignoble malgré nous, sans pouvoir prendre le recul que peut nous offrir un positionnement de caméra plus neutre, située dans l'autre champ (c'est-à-dire un positionnement qui n'est n'est pas subjectif). Puis vient l'interrogation, seconde étape du raisonnement après l'incompréhension, amenant le spectateur à se demander l'intérêt de filmer un meurtre. Le film amateur a la vocation de pouvoir perpétuer le souvenir, de refaire vivre un passé dans le présent. Or, quel est le but recherché par le fait de vouloir filmer un meurtre pour le faire renaître ultérieurement ? Pas à pas, le film va tenter d'expliciter une démarche qui est au premier abord inconcevable et surprenante. Cette interrogation est bien entendue suscitée par la vision en caméra subjective, tandis qu'un autre mode de filmage n'aurait pas "éveillé" de questionnements particuliers, attendu que le cinéma est là pour nous rendre compte d'une histoire, dans la plupart des cas, fictive. Le filmage amateur, doublé d'une caméra subjective, atténue la croyance en la diégèse et rompt l'effet "magique" du cinéma pour nous faire rentrer dans une réalité parallèle, voire intermédiaire, qui n'est plus celle du film, mais qui se trouve à mi-chemin entre la réalité du spectateur et la réalité diégétique. D'où cette sensation de léger malaise quand nous assistons aux meurtres présents dans le film, filmés de la sorte.
Parallèlement, l'effet de filmage amateur est renforcé - de manière prévisible - par le son de la caméra super 8. Le léger bruit de moteur est assimilé dans l'imaginaire social à celui du tournage de film amateur ou bien encore à celui de sa projection. C'est une figure extrêmement courante pour renforcer l'effet d'amateurisme devant être compris par le spectateur.
 
La psychologie scoptophile et voyeuriste à travers le personnage de Mark.
Le scénario et la mise en scène cherchent à donner un aspect secret aux actions de Mark. Celui-ci est qualifié de furtif et discret à deux reprises dans le film. Son obsession à vouloir fixer sur sa pellicule tout ce qui touche à ses meurtres lui donne, dans notre croyance en la diégèse, un statut de personnage "omniprésent", si bien que parfois, certaines scènes sont perçues comme vues également par Mark, à notre insu. Le film se fait en quelque sorte le relais de la volonté voyeuriste de Mark, en nous montrant, souvent gratuitement, certaines scènes ne présentant d'autre intérêt que celui de pouvoir rentrer dans l'intimité d'un personnage. En témoigne la scène du maquillage de Vivian (victime ultérieure de Mark). C'est un plan gratuit qui nous permet d'observer une femme se maquillant. Cette activité est, convenons-en, d'ordre intime, et la filmer sans la présenter comme une charnière ou un nœud d'action relativement décisif pour la suite du récit paraît s'inscrire dans la même ligne voyeuriste que celle adoptée vis-à-vis du personnage principal, sauf qu'il s'agit ici d'un parti pris de la réalisation.
Comment peut-on comprendre la psychologie de Mark, comment l'interpréter ? Pourquoi chercher à intégrer dans sa vie des instants, des expressions appartenant aux autres, se trouvant dans l'intimité des autres ? Tout d'abord, formalisons, en le définissant, l'intime. C'est, selon Le Petit Robert, "ce qui est contenu au plus profond d'un être", "qui touche à l'essence d'un être". C'est ce que cherche Mark chez ses victimes, voir et fixer leur dernière expression, filmer ce qu'elles détiennent toutes en elles en la cachant toujours : la peur. Elle est déclenchée par des causes qui affectent directement l'instinct de conservation qui se sent alors menacé (dans les occurrences du film).
Les explications à la pathologie de Mark, la scoptophilie - définie, rappelons-le, comme un besoin morbide de regarder la peur d'autrui - sont contenues dans le film. Tout d'abord, on trouve les origines de ces troubles dans des films de famille tournés par son père lorsque Mark était enfant. Ces films de famille ont une double vocation : celle de montrer un passé en images, et, par ailleurs, de fournir l'explication directe de la maladie mentale de Mark, qui derrière une apparence saine et calme, dissimule un vice doublé d'instincts meurtriers. Les causes se retrouvent dans son enfance, et sont directement liées à son père s'étant livré à toutes sortes d'expériences psychologiques traumatisantes sur son fils. Les films du père avaient pour but de laisser un trace concrète des expérimentations, pour enregistrer une évolution biologique quasi complète et observer une croissance. Il s'agit tout simplement en fait d'étudier la manière dont le systèmenerveux réagit face à la peur. Cette névrose s'est "naturellement" répercutée sur le fils ; relais morbide "emphasé" du père, dont le témoin sera un outil capital : une caméra offerte à Mark par son père. Ces souvenirs sont mixés avec une voix, celle du père, venant presque d'outre-tombe ; des réminiscences où Mark fait affluer à son souvenir des phrases prononcées par son père, lui commandant de maîtriser sa peur, de dominer ses émotions, ou bien encore, d'affronter sa révulsion face à un énorme lézard posé sur son lit au petit réveilSÃ
Mark tue et filme pour aller chercher l'intime chez ses victimes, intime dérobé par son père lorsqu'il était enfant. C'est une répercussion ultérieure maladive dont le personnage est conscient (en témoigne son rapport à Helen, avec qui le sentiment doit prédominer, comme parade à sa folie). Il comprend sa psychologie et avoue à celle qu'il veut aimer que c'est la lecture de la peur sur les visages qui l'excite et le pousse à tuer.
 
Étude du positionnement de la caméra dans plusieurs scènes : le spectateur devient voyeur à son tour.
Une des forces certaines du film de Powell est que celui-ci ne joue pas sur des effets de mise en scène bon marché, comme par exemple l'emploi systématique de la caméra subjective rendant compte des actions du meurtrier. Powell joue sur l'alternance des points de vue, allant presque même jusqu'à inclure une thématique dans l'utilisation décroissante des emplois de caméra subjective. D'autre part, le choix des angles de prise de vue est fait de telle sorte que le spectateur puisse nuancer et prendre du recul par rapport à ce qui lui est donné à voir. Ce choix de lecture croît, cependant que l'utilisation de la caméra subjective comme unique point de vue pour les séquences de meurtre décroît. Cela provoquait, dès le début du film, une légère sensation de malaise. Tout le dispositif est arrangé de telle sorte que le spectateur se place lui-même - sans s'en rendre compte réellement - en tant que voyeur, ou en tous cas observateur des meurtres. L'intensité malsaine vient du fait que nous sommes amenés à nous placer en observateurs curieux du rapport agresseur - victime, recevant ainsi, au même titre que Mark, les expressions de visages convulsés par l'effroi et la peur. Cette posture spectatorielle est presque voyeuriste, étant donné que nous pénétrons dans la sphère d'intimité de la victime, nous la regardons exprimer une réaction venant de l'essence même de l'être, la réaction témoignant de l'attachement viscéral de l'être humain à la vie. Sentiment et réaction profonds qui nous partagent entre choc visuel et désir d'observer jusqu'au bout ce qui ne nous sera pas montré : sang coulant d'un corps percé au poignard.
Analysons par exemple l'aspect intime et secret du tournage organisé par Mark, avec sa future victime, Vivian. D'abord, on remarque que la composition des plans accorde la même importance à une caméra présente sur le studio du plateau qu'aux acteurs (Mark et Vivian) : même volume dans l'occupation du champ. La victime se laisse guider par Mark qui la mène à la mort. Vivian est même l'instigatrice du décalage qui s'affirme de plus en plus entre ses attentes et celles de son meurtrier. "Servez-vous de ma plume, mais utilisez votre encre" (Vivian à Mark). Les regards de Mark hors-champ campent l'angoisse de la scène dans l'expectative d'une charnière qui se fait attendre et créée le suspense (permis par l'expérience cognitive du spectateur qui connait les indices déclencheurs de la folie chez Mark). En effet, l'objet sur quoi est focalisé son regard est inconnu du spectateur, et beaucoup trop fixe pour que nous puissions tolérer un doute sur les aspirations profondes de cet être malsain. Le crescendo de la tension se fait en parallèle avec la musique qui devient obsédante et lancinante ; un rythme musical de plus en plus rapide, conforté par des actions à l'écran de plus en plus inquiétantes.
Le mécanisme du suspense et de l'angoisse est basé sur la répétition de gestes déjà exécutés devant la caméra (et le spectateur) par Mark : actions qui ont été les prémisses des meurtres passés. Le dialogue rend compte de la gradation des propos entre l'homme et la femme (il veut la filmer avec une expression de peur au visage, mais elle n'y parvient pas) :
 
Vivian : What would frighten me to death ?
Mark : ImagineSÃ someone coming towards youSÃ who wants to kill youSÃ regardless of consequencesSÃ
Vivian : A mad man ?
Mark : YesSÃ but he knows it, and you don't. And just to kill you isn't enough for him. Stay there !
Vivian : I can't imagine what you thought of !
Mark : ImagineSÃ this would be one of his weapons (il dégaine le pied de sa caméra qui laisse apparaître un poignard).
Vivian : That !
Mark : Yes, that.
Vivian : Mark, yes, that would be frightening !
Mark : But there's something elseSÃ
Vivian : Yes, what is it ?SÃ thatSÃ Mark, no !SÃ Take it awaySÃ take it awaySÃ Mark !
On peut noter que cette scène de meurtre est vue depuis l'autre champ cinématographique, et non depuis le viseur de la caméra, ou bien encore du point de vue de Vivian ou de Mark. L'explication le plus directe de ce point de vue presque neutre est que c'est à présent au tour du film de placer le spectateur comme témoin premier. C'est nous qui voyons l'action maintenant, Mark à gauche, avançant avec le poignard, vers Vivian à droite. C'est désormais notre lecture de spectateur qui prime. Un point de vue subjectif de l'un ou l'autre des protagonistes aurait eu pour effet immédiat de conditionner notre lecture des images et du récit. C'est une scène à trois acteurs : Mark, Vivian et la caméra (diégétique et extra-diégétique).
 
Le champ visuel dépassé par la dimension sonore : une autre forme de pénétrer l'espace intime et privé.
Peeping Tom, convenons-en, se propose d'être une réflexion et une mise en abîme sur le cinéma et le processus d'enregistrement des images et des sons.
L'étude sonore du film passe par un personnage emblématique du rapport image - son au cinéma : l'aveugle (incarné dans le film par Mrs. Stephens, la mère de Helen, louant toutes deux l'appartement situé sous le studio de Mark). (c.f., par exemple, la filmographie de Fritz Lang, et certaines de ses œuvres comme M le Maudit, Le Testament du Docteur Mabuse. Ces films sont une réflexion sur le thème sonore au cinéma ; parallèle fait avec l'apparition du son sur les pellicules).
Pourquoi le film aborde-t-il la cécité dans une thématique traitant du voyeurisme ? Premier élément de réponse, un personnage aveugle possède des qualités sensorielles et perceptives qu'un voyant n'a pas. Le voyeur, quant à lui, développe bien entendu toutes les facettes de la perception visuelle. L'aveugle est à même de traiter toutes les informations auditives lui parvenant. C'est ainsi que le rapport voyeur - aveugle devient intéressant à étudier.
L'importance que va prendre le son pour l'aveugle ne pourrait-elle pas être assimilée à une certaine forme de voyeurisme auditif ? Une violation de l'espace sonore communément audible, dans lequel l'aveugle pourrait s'immiscer à l'insu de tous ? Le son est un vecteur de communication "non-discret", ostensible, qui peut être perçu par tous, à la nuance près que l'aveugle explore tout cet espace, tandis que les voyants n'en assimilent que l'essentiel.
Dans une certaine mesure, le voyeurisme (visuel, donc) peut être qualifié comme une exagération accordée aux informations visuelles, et surtout animé par une volonté d'aller chercher ces renseignements icôniques là où ils se trouvent. Dans Peeping Tom, ces données visuelles et sensorielles se trouvent dans la nature même des femmes que Mark assassine. L'image est une donnée éminemment plus accessible que le son ; aller chercher l'information visuelle de manière assez poussée est une démarche adoptable par n'importe qui (abstraction faite, bien entendu, de l'aspect pathologique et maladif contenu dans le voyeurisme). Le voyeur "comble un manque" ou "règle des comptes avec lui-même" (le psychiatre à Mark), par une prédominance du visuel sur les autres sens. L'aveugle agit sans doute de manière plus saine mais sa démarche demeure sournoise et invisible. Dans sa confrontation avec Mark, elle mène le dialogue sur les points qui vont mener Mark à la confusion. L'étendue des pouvoirs auditifs quelque peu voyeuristes d'un aveugle est ici théorisée par la femme non-voyante : "I visit this room every night. The blinds always visit the rooms they live under".
Le son, d'un point de vue cinématographique, est devenu le complément le plus direct de l'image. Powell se devait donc d'inclure cette figure du personnage aveugle, qui va surenchérir le thème du voyeurisme et ainsi pénétrer dans l'espace intime du voyeur d'une manière que celui-ci n'appréhende pas du tout. Le voyeur, Mark, est en effet concentré sur sa sphère visuelle (les femmes et son écran de projection) et s'évertue à laisser le moins de traces possibles de ses actions aux voyants. Pour Mark, le son va se transformer progressivement en une traître trace qu'il ne maîtrise pas du tout. Mark filme en super 8 non-sonore pour garder mémoire de ses forfaits. Il éradique ainsi tout le champ sonore qui va être repris au compte de la mère aveugle.
La confrontation son - image atteint son paroxysme lorsque Mark projette le meurtre de Vivian tandis que Mrs. Stephens est présente. Le film est bien sûr muet, et nous, spectateurs, sommes témoins du décalage horrible ainsi produit : la posture spectatorielle est ambigüe et spéciale. Nous nous plaçons entre Mark et Mrs. Stephens ; Mark voit et agit, le spectateur observe par lui-même et veut être les yeux de l'aveugle qui incarne ici la supposition par la parole et l'interrogation due à l'absence de regard. Mrs. Stephens questionne et tente de deviner.
L'on peut noter par ailleurs des couples thématiques image - son : Mark est fils d'un père extrêmement voyeur, Helen est fille d'une mère aveugle. Le film est le cadre de la rencontre entre Helen et Mark. Que peut potentiellement produire la rencontre de deux êtres dont le rapport à ces deux sens majeurs a été perturbé, perverti gravement pour l'un des deux ?
 
Peeping Tom demeure l'un des films les plus audacieux de la fin des années 50. L'intérêt principal est dans l'imbrication du sujet traité - l'histoire d'un caméraman - et le dispositif de filmage qui nous permet d'alterner des points de vue diamétralement opposés mais qui finalement se rejoignent dans un même et unique thème : le voyeurisme. Car le spectateur se transforme en voyeur à son tour sans le vouloir, et devient un acteur à part entière dans ce processus d'observation de la peur puis de la mort. Le spectateur va voir la mort de Mark, perdu dans sa folie, cherchant à immortaliser sa propre mort, aboutissement de son "œuvre". Peeping Tom est une remarquable analyse des théories freudiennes du voyeurisme et de ses névroses, à la base de toute cinéphilie.